Karl Frehsner fête ses 80 ans

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La comparaison inspire à elle seule le respect. Le substantif «fer» suggère des associations avec l’inflexibilité et possède une connotation presque martiale. Karl Frehsner, qui a marqué le ski alpin (suisse) comme personne d’autre, fête ses 80 ans.

Il est possible de parler ski alpin durant longtemps avec Frehsner sans avoir peur de se faire remettre à l’ordre à la moindre lacune au niveau technique. Ou de craindre qu’il menace quelqu’un de lui enlever son accréditation. En fait, il y a eu des moments où le mieux était de l’éviter. Surtout avant le début d’une saison. Un mot de travers et un ouragan verbal s’abattait sur le malheureux fautif. Lorsqu’il était en «mode course», il valait mieux ne pas le côtoyer.

Un coeur tendre

Toutefois, sa charmante épouse a fait preuve de compassion. Elle a affirmé un jour: « Moi aussi j’étais contente quand il partait de la maison avant le début de la saison. » Une fois, avant l’ère du téléphone portable, elle était venue lui rendre visite à l’occasion d’une course et quelqu’un avait voulu le lui faire gentiment remarquer: « Karl, Rosmarie t’attend. » « Qui est Rosmarie? » avait-il rétorqué. « Excuse-moi, ta femme! » Rosmarie et Karl Frehsner sont mariés depuis 54 ans.

Sous la peau dure se cache un coeur tendre. Lorsque Brigitte Obermoser s’est imposée pour la première fois en slalom géant à Bormio, il a furtivement essuyé une larme dans un coin de l’aire d’arrivée. Que s’était-il passé? Selon Frehsner, « personne ne la croyait capable de cela. » Dans de tels moments, lorsqu’il réussissait ce qui était supposé impossible, même le bourru Frehsner montrait ses émotions. Son ambition était la suivante: tirer le maximum de tout le monde. Pour y parvenir, il s’engageait à 110 pour cent. Il exigeait aussi cela de ses protégés.

Pas un facile

« On ne gagne pas 53 médailles par hasard », a écrit Karl Wild dans un livre sur Frehsner. Il est le seul entraîneur qui a réussi un quadruplé avec les descendeurs suisses lors de CM. C’était en 1987 à Crans-Montana. Et il a répété ce tour de force douze ans plus tard à Vail avec les Autrichiennes.

Lorsque l’auteur avait voulu saluer cet exploit de Frehsner dans le « Ski » d’alors, le rédacteur de Swiss-Ski avait tout simplement supprimé ce passage. Frehsner était à nouveau « persona non grata » au sein de la fédération. Lors des CM de Saalbach, il s’était brouillé avec les dirigeants de la fédération. Après un détour par la Formule 1, où il s’occupait de la condition physique des pilotes de Sauber, il avait atterri à la fédération autrichienne de ski. Il est ensuite revenu en Suisse en tant que « sauveur » au début de ce siècle et dû affronter une campagne de grande envergure de la presse de boulevard pendant l’année de crise 2004. Après une course ratée à Flachau, le « Blick » avait sorti de façon ostentatoire une page blanche.

Responsable de la matière et de la coupe

À 80 ans, Frehsner est toujours employé sur mandat auprès de Swiss-Ski. Comme il le dit, il est « responsable de la matière et de la coupe » ou plus précisément, des tenues. Dans ce domaine, il est encore et toujours considéré comme l’expert numéro 1. « Les choses sont maintenant plus ou moins terminées », dit-il en faisant preuve de fausse modestie. Pendant plus de 50 ans, il a acquis un savoir unique qui reste encore et toujours très important pour Swiss-Ski. La soufflerie reste son domaine. Sur le Lauberhorn, il transmet son immense savoir-faire en encadrant les ouvreurs, en règle générale des coureurs de Coupe d’Europe.

La soif d’apprendre

L’aérodynamique l’a toujours intéressé et pas seulement depuis son travail en Formule 1. Il continue de garder contact avec quelques ingénieurs: « Ce sont tous des génies. » Frehsner suit des cours de l’EPF, il a été l’un des premiers à s’intéresser à la nanotechnologie. Il est également un grand fan d’ordinateurs de la première heure. Déjà dans les années 70, il analysait les données de chronométrage de Tag Heuer sur son « ordinateur Texas » alors que les journalistes dictaient encore péniblement leurs articles par téléphone.

Un style dur

Frehsner était avant tout un contemporain vif et un stratège génial. Pas seulement un entraîneur « de fer ». Cet attribut lui a été attribué, et il faut le savoir, « parce que je suis conséquent. Une minute de retard est une minute de retard. » Un jour, il a laissé Peter Müller à la maison à Adliswil parce qu’il était arrivé en retard à un rendez-vous. Et il retira une fois le dossard à Paul Accola parce qu’il avait oublié une réunion d’équipe. Tous ceux qui ont voulu à l’époque l’envoyer au diable vantent aujourd’hui ses mérites.

Il était surtout dur avec lui-même. Il a vaincu la face nord de l’Eiger en 1961 déjà , à l’époque où son ascension représentait un pari risqué. Frehsner: « Si tu avais des problèmes après le passage Hinterstoisser, tu ne pouvais à l’époque plus compter sur des secours. » Et il ajoute: « Je pouvais survivre des jours entiers avec seulement du pain et de l’eau. »

Le 13 juin, Frehsner fête ses 80 ans, « un jour comme un autre » selon le jubilaire. Il n’a pas prévu de grande fête. Il veut l’aborder avec sérénité. Sur des pistes exigeantes comme celles de Bormio, il sent que l’âge a laissé des traces chez lui aussi. Lorsqu’il descend les pentes raides, il lui est parfois difficile de garder le contrôle des skis: « Je dois à nouveau faire de la musculation plus intensivement. » Il ne parle pas d’arrêter.

Alors, cher Karl, nous te souhaitons tout le meilleur pour ton 80e anniversaire!