Les jours d'après de Sarah Hoefflin

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Sortie de nulle part en devenant championne olympique de slopestyle un jour de février, Sarah Hoefflin a dû composer avec un destin imprévu. Avant de se remettre au travail, mais avec quelle motivation?

"Ce jour-là, j’avais tellement mal partout, j’avais fait de si mauvais entraînements que je m’étais dit que je n’avais aucune chance." Ce jour-là, c'était le 17 février dernier. Ce jour-là, Sarah Hoefflin est devenue championne olympique de slopestyle, malgré une grosse douleur au talon, contractée après une réception mal maîtrisée quelques jours auparavant. C’est peut-être ce qui a permis à la Genevoise, défaite de toute pression, de s’imposer devant la Gruérienne Mathilde Gremaud.

Au centre de l'attention

Il a suffi d’un run pour que la Suissesse soit propulsée sur le devant de la scène. Lors de son troisième et dernier passage en finale, son switch double 900 (une rotation de deux tours et demi sur elle-même) l’a envoyée sur le toit de l’Olympe. De quoi changer une vie. "Je me suis retrouvée avec beaucoup de sollicitations, il y a plein de gens qui veulent me parler", récite une Hoefflin qui a dû se rompre à l’exercice médiatique.

Dix mois après, elle le maîtrise, tout en assurant que "en tant que personne, je n’ai pas changé, j’ai toujours la même envie, la même faim". Il serait donc possible de toucher le Saint-Graal du jour au lendemain et de conserver intacte sa motivation. Hoefflin, qui n’a intégré qu’en 2015 les cadres de Swiss-Ski, n’a-t-elle pas eu à digérer ce succès auquel elle n’avait pas été rodée?

"Bon, c’est vrai que je n’avais pas du tout l’habitude d’avoir toute cette attention", concède quand même la sociétaire du Ski-club de Meinier. "A 27 ans, cela fait forcément bizarre, contrairement à un athlète qui y a été préparé durant sa jeunesse et qui peut s’y habituer. Moi, j’ai déjà une vie complète derrière moi."

Une vie qui l’a notamment menée de Genève à Chamonix en passant par la Grande-Bretagne, où l’adolescente d’alors avait déménagé avec sa mère. Un parcours qui l’a aussi conduit à échouer devant ses rêves de médecine, mais à être diplômée en neurosciences. Ou à écumer les activités diverses et variées avant de se mettre au ski freestyle de compétition dès 2014.

"Besoin de redescendre"

Sarah Hoefflin a beau témoigner d’une sérénité totale devant son imprévu destin, cela ne s’est pas fait sans adaptations. Un proche l’assiste dans la gestion de son agenda et de ses partenariats. Aussi, elle a travaillé durant quelques semaines dans une société de services établie à Carouge et qui la sponsorise. "J’avais besoin de revenir sur terre, de retrouver une vie normale, précise-t-elle. Pour le mental, pour garder la tête froide, avoir trop d’attention n’est pas très sain. Certains essayent de rester tout en haut trop longtemps, mais je crois qu’il est important de redescendre." Pour mieux remonter?

La Genevoise ne l’affirme pas. Elle ne se dit pas animée par le succès: "Je ne pense pas trop à gagner les compétitions, je veux juste faire du bon ski et progresser. Mon but, c’est d’apprendre de nouvelles figures et si j’arrive à bien skier, tant mieux. On ne peut pas monter sur les podiums juste parce qu’on en a envie." En somme, il faut croire que Hoefflin poursuit la quête de la perfection, pas celle des médailles.

Le plaisir comme moteur

Alors, elle s’est remise au boulot au c½ur de l’étouffante canicule estivale, bien loin des températures extrêmes de Pyeongchang. "Mais j’ai passé un très mauvais été, confie aujourd’hui la médaillée d’or. Je me suis cassé l’épaule après trois jours de préparation, mais je ne l’ai dit à personne. Je ne voulais que cela finisse dans les journaux et que je reçoive des tonnes de messages. Il y a aussi eu la perte de mon grand-père et mon déménagement à Chamonix." Brutal retour aux épreuves de la normalité.

Et puis, finalement, tout s’est remis en place. L’automne arrivant, Hoefflin a rechaussé ses skis. Non sans l’appréhension - vite dissipée - de ne pas retrouver son niveau. La confiance est revenue et les belles performances avec. D’abord, une deuxième place en Big Air à Modène pour l'ouverture de la saison. Et puis, fin novembre, la confirmation avec un autre deuxième rang à Stubai (AUT), en slopestyle cette fois.

Pas de victoire certes ("Non, je ne vais pas tout gagner, les autres filles progressent", insiste la jeune femme), mais pas moins de plaisir. Il est là le moteur de Sarah Hoefflin. Le plan de carrière est accessoire, le palmarès relatif. "Je m’arrêterai quand j’en aurai marre. Alors pour l’instant je continue." Cela évite de se poser trop de questions.