«Le bénévolat est le bien le plus précieux dans notre système»

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Urs Lehmann se lance avec toute son énergie dans sa onzième année de présidence. Et il dit: «Lorsqu’on a du plaisir à travailler, on ne compte pas les heures. J’ai encore et toujours beaucoup de plaisir et je suis heureux de travailler avec une équipe décontractée.»

Du point de vue sportif, tout va bien. Les bilans de Swiss-Ski lors de grands événements sont remarquables.

«C'est vrai. Ça va bien non seulement dans une spécialité sportive comme le ski alpin, mais aussi dans les autres disciplines sportives – nous en gérons onze – et nous pouvons constater avec une certaine satisfaction que nous prenons de la place à un bon niveau. Et là où nous avions des problèmes, je pense à l’année de crise 2013 dans le ski alpin, nous en avons tiré les leçons.»

Avec la pérennité en toile de fond?

«Nous avions répété que nous serions prêts pour les CM 2017 à St. Moritz. Nous avons tenu parole. Là aussi, tout le monde a tiré à la même corde. Nous pouvons continuer de surfer sur la vague que nous avons déclenché avec les athlètes. Je suis particulièrement heureux de constater que nous avançons avec la relève et que les mesures que nous avons prises pendant la période de crise portent leurs fruits. Si l’on regarde vers l'avenir, les jeunes, l’équipe de slalom, l’équipe féminine qui est incroyablement forte et encore jeune, on a de quoi se réjouir et avoir confiance. Mais ...»

Quoi ...?

«... je n’ai pas vraiment besoin de le dire: nous n’avons aucune garantie. Une ou deux blessures d'athlètes performants peuvent modifier la situation. Mais nous sommes en principe sur la bonne voie.»

Un objectif à long terme est de gagner le classement des nations de la Coupe du monde de ski alpin, est-ce une illusion ou un objectif réaliste?

«On doit être réaliste et reconnaître que les Autrichiens ont encore beaucoup d'avance. Il y a quelque temps, nous aurions encore dit qu’ils sont hors de portée. Maintenant, nous pourrons peut-être même avoir cet objectif dans le viseur dans deux ou trois ans si tout se passe de façon optimale et qu’il n’y a pas de blessures graves et d'absences d'athlètes performants. L’hiver dernier, les femmes ont déjà fait jeu égal avec les Autrichiennes et cela avec une Lara Gut en convalescence.»

Et chez les hommes?

«Nous n’y sommes pas encore, mais les perspectives sont bonnes. Nous avons une super équipe et des athlètes au sommet, surtout Beat Feuz. Toutefois, notre cadre n’est pas encore assez élargi en Coupe du monde. Nous avons des garçons avec un grand potentiel, par exemple le quintuple champion du monde juniors Marco Odermatt. Si les entraineurs arrivent à les amener au top niveau mondial, nous aurons de belles années.»

Chez les femmes, le chef entraîneur Hans Flatscher et le chef de la relève Beat Tschuor effectuent une rocade. Sur le principe, il s'agit d'un changement de personnel idéal du bas vers le haut et du haut vers le bas.

«Je considère qu’il s’agit d’un signe de la force de la structure, de la force de l’équipe que nous avons mise en place ensemble ces dernières années. Lorsque l’on peut reprendre quelqu’un de la Coupe du monde avec toute l’expérience dont dispose Hans Flatscher pour la transmettre à la relève, il s'agit de la meilleure chose qui puisse arriver.»

Par contre, dans le domaine du ski nordique, les départs prévisibles des superstars Simon Ammann et Dario Cologna risquent de provoquer une saignée qui pourrait frapper la fédération de plein fouet.

«Cela va être un coup dur pour nous. Il n’existe pas beaucoup d’athlètes qui ont gagné quatre médailles olympiques. C'est exceptionnel, même au niveau international. Les deux ont dominé leurs spécialités sportives et sont maintenant des personnalités au rayonnement mondial. Il vont un jour nous manquer et il sera difficile de les remplacer. J'aurais souhaité un changement de génération plus rapide, surtout en saut à ski. Nous nous battons pour obtenir une «masse critique» à la base, pour conserver une petite chance d'arriver au sommet. En ski de fond, nous aurions un cadre assez large et aussi de bons résultats. Mais pour obtenir des médailles et des places sur le podium, nous devons encore franchir un cap.»

Il existe onze disciplines sportives au sein de la fédération, mais auprès du grand public, le ski alpin occupe la plus grande place. Est-ce que cela provoque parfois de la jalousie?

«Nous, et moi aussi, vivons et propageons le credo que chaque sportif a une grande valeur. Une championne du monde en télémark réalise aussi des performances extraordinaires. Mais auprès du grand public, aussi en tant que potentiel de commercialisation, le ski alpin est le plus attractif. Ce n'est pas seulement le cas en Suisse. C'est pourquoi, nous avions déjà mis des priorités et cela avant mon arrivée: tout le monde est important, mais il y a des gens avec lesquels il est possible de générer plus de moyens et il s'agit du ski alpin. Grâce à cette priorisation, tous se sont penchés sur cette thématique, les entraineurs comme les athlètes, et elle est aussi respectée.»

Les clubs et leurs bénévoles qui forment aujourd’hui encore la base de Swiss-Ski ne sont-ils pas menacés de marginalisation au sein d’une fédération professionnalisée?

«Je dirais même que le bénévolat est le bien le plus précieux dans notre système. Il est menacé de deux côtés. D’une part, par la pression professionnelle et sociale de la société qui rend toujours plus difficile d’avoir le temps nécessaire. On ressent ce phénomène à la base. L’autre côté, c'est «nous». Quand je dis nous, je parle de la pointe de l'iceberg. Mais en réalité, ce sont les clubs et les associations régionales qui forment la fédération de ski et la supportent. Pour cela, les personnes qui se promènent en tenue Swiss-Ski, devons faire attention et traiter les gens qui s'engagent bénévolement avec respect et estime.»

Interview: Richard Hegglin

Vers l'interview dans «Snowactive» – le magazine de Swiss-Ski